Procès de la Région wallonne pour la mort de Pablo Spinewine : quand la négligence plonge la justice

Le 26 juin 2020, le sportif et bon nageur Pablo Spinewine, 19 ans, s’agrippe à une balustrade de sécurité le long de la Sambre à Namur et reçoit une décharge électrique fatale. La Région wallonne est aujourd’hui poursuivie pour homicide involontaire devant le tribunal correctionnel de Namur. Au‐delà du drame personnel, le procès interroge la responsabilité des pouvoirs publics dans la prévention des risques.

Un plongeon festif qui tourne au drame

Ce jour-là, au terme des examens, Pablo et quelques amis se retrouvent au bord de la Sambre pour fêter la fin de l’année scolaire. Après avoir bu quelques bières, Pablo, confiant dans ses compétences de nageur, s’élance et plonge. À l’heure où il tente de remonter, il agrippe la balustrade en acier, tétanisé quelques secondes, avant de retomber dans l’eau. Les amis, croyant à une blague, ne réagissent pas immédiatement. Ce n’est que plusieurs heures plus tard que les pompiers repêchent son corps. Les analyses toxicologiques révéleront un faible taux d’alcool (0,4 g/L) et conforteront l’idée d’un « à-priori bête noyade », vite démenti par les investigations.

Des installations électriques non conformes mises en évidence

L’enquête démontre sans ambiguïté que Pablo a subi une décharge de 150 volts. Un réverbère défectueux alimentait la balustrade par un court-circuit. Pourtant, deux ans auparavant, un pêcheur avait déjà reçu une décharge au même endroit. Plusieurs rapports de non-conformité, dont l’absence de disjoncteur différentiel, avaient été transmis à la Région wallonne. En pratique, l’installation électrique du Ravel longeant la Sambre aurait dû être protégée par un dispositif coupant le courant en cas de fuite. Le défaut d’entretien et de modernisation de ces installations apparaît aujourd’hui comme la cause première de la tragédie.

La responsabilité des pouvoirs publics en question

La Région wallonne, gestionnaire du Ravel, assume l’entretien des sentiers et de leur éclairage. Concrètement, elle est tenue de garantir la sécurité des usagers. En ne réagissant pas aux rapports de non-conformité, elle est accusée d’avoir failli à son devoir de diligence. Les magistrats devront déterminer si la collectivité a commis une faute caractérisée, susceptible d’engager sa responsabilité pénale. Les avocats de la défense pourront invoquer la complexité et le coût des inspections régulières, ou qualifier le premier incident comme un cas isolé, tandis que l’accusation insistera sur l’accumulation d’alertes restées sans suite.

Enjeux juridiques et symboliques du procès

Au-delà des dommages et intérêts que la Région pourrait être condamnée à verser à la famille, ce procès revêt une portée symbolique forte. Il questionne la capacité des autorités publiques à prévenir les accidents mortels sur les chemins touristiques. À terme, la jurisprudence issue de ce jugement pourrait préciser l’étendue des obligations de maintenance des collectivités dans tous les espaces publics, qu’il s’agisse de balustrades, d’éclairages ou d’autres équipements exposés aux intempéries. La problématique rejoint un débat plus vaste sur la confiance des citoyens dans la gestion des infrastructures par leurs représentants.

Perspectives et leçons à tirer

Alors que la Région wallonne s’engage à renforcer ses contrôles, plusieurs questions subsistent. Combien d’autres sites du Ravel ou d’espaces récréatifs seraient-ils exposés à des installations similaires ? Des audits indépendants pourraient-ils devenir systématiques et obligatoires après chaque incident grave ? En pratique, l’affaire Spinewine devrait pousser les autorités à accélérer la mise à niveau des installations électriques et à revoir leurs protocoles de signalement et de suivi des anomalies. Au-delà des compensations financières, c’est une politique globale de prévention et de transparence qui pourrait émerger de ce procès.