Jambes, l’autre rive de Namur à l’heure de la redécouverte
Perchée entre la Sambre et la Meuse, Jambes séduit par son charme de « plus beau village à côté de Namur ». Entre passerelle futuriste, traditions locales et ambitions touristiques, ce quartier rive droite soulève des questions de développement durable et d’identité partagée.
Entre deux cours d’eau : un passé et un cadre géographique précieux
À l’embouchure de la Sambre dans la Meuse, Jambes profite d’une situation géographique unique. Ancienne commune indépendante, elle a été rattachée à Namur lors de la grande fusion communale de 1977. Malgré cette intégration administrative, elle déploie toujours une identité propre, héritière de son histoire fluviale et de ses petites ruelles pittoresques. Longtemps marquée par une économie liée à la navigation et aux activités portuaires, elle s’est transformée aujourd’hui en un lieu de promenade et de convivialité.
La topographie en terrasses, les berges aménagées et les points de vue sur la citadelle de Namur en font un écrin naturel apprécié des promeneurs. La réouverture du Musée de la Tour d’Anhaive en 2024, après quatre ans de travaux, rappelle l’importance de préserver et de mettre en valeur ce patrimoine modeste mais chargé de mémoire.
L’Enjambée et la Namourette : nouveaux visages de la mobilité douce
Concrètement, pour relier Namur à Jambes, il suffit aujourd’hui d’emprunter L’Enjambée, passerelle piétonne inaugurée en 2024. Surnommée « L’Ascauchîye » en wallon, elle offre un panorama inédit sur le confluent. Résultat d’un projet d’urbanisme visant à fluidifier la circulation douce, elle symbolise aussi la volonté de positionner les bords de Meuse comme un espace partagé entre loisirs et déplacements quotidiens.
En parallèle, la Namourette, embarcation fluviale pour quelques passagers, propose une traversée poétique de la Sambre et de la Meuse. Au-delà de son attrait touristique, elle rappelle l’ancienneté des liaisons nautiques, tout en s’inscrivant dans une logique de mobilité douce et de découverte lente, alternative écologique à la voiture.
Patrimoine vivant : glaces artisanales, brocante et musée rénové
En déambulant le long des quais, impossible de manquer le Glacetronome : boutique-atelier où le glacier Baudouin Lénelle façonne des créations sucrées comme autant d’œuvres d’art. Cette tradition locale est devenue un symbole de la gourmandise jamboise. Ici, on ne se contente pas d’une boule de glace, on vit une expérience sensorielle qui s’accorde avec la quiétude du fleuve.
Chaque dimanche, la brocante s’invite à ciel ouvert sur la place de la Francophonie et les rues adjacentes. Tables de chineurs et stands improvisés tissent une atmosphère conviviale, rappelant que le quartier reste avant tout un lieu de vie et de rencontres. À quelques pas, le Musée de la Tour d’Anhaive revisite l’histoire de Jambes, depuis ses premiers bourgs fluviaux jusqu’à son intégration à Namur. Sa réouverture souligne l’importance de la conservation du patrimoine local, même modeste, pour nourrir l’attractivité touristique.
Tourisme de proximité : moteurs économiques et risques d’un essor rapide
À terme, Jambes pourrait profiter pleinement du développement du tourisme fluvial et urbain en Wallonie. Les commerces, cafés et événements locaux bénéficient déjà d’un afflux de visiteurs désireux de découvrir un « autre Namur ». Cette revitalisation économique encourage la création d’emplois et la valorisation des savoir-faire artisanaux.
Cependant, l’essor touristique comporte des défis. Le risque de surtourisme peut dénaturer le caractère paisible du quartier. Les résidents craignent une hausse des prix de l’immobilier et des loyers, ainsi qu’une standardisation de l’offre commerciale au détriment des petits métiers locaux. L’équilibre entre accueil des visiteurs et qualité de vie des 8 000 habitants de Jambes reste fragile. À l’heure où chaque terrasse et chaque pont deviennent des points d’attraction, la question de la gentrification se pose, menaçant l’authenticité que l’on vient précisément chercher.
Conciliation entre attractivité et vie des habitants : quelles perspectives ?
Pour que Jambes demeure un quartier où l’on se sent « un peu chez soi », les autorités locales et les acteurs du tourisme doivent imaginer des mesures de régulation des flux et d’inclusion des riverains. Concrètement, cela passe par :
- La limitation des fréquences de la Namourette aux heures de pointe touristique,
- Le maintien d’espaces réservés aux marchés et aux artisans locaux,
- La concertation régulière avec les associations de riverains pour gérer l’organisation des brocantes et autres événements,
- Le développement de circuits de visite alternatifs, moins médiatisés, pour répartir les flux.
À défaut, Jambes pourrait perdre ce fragile équilibre entre un patrimoine vivant et un décor de carte postale. Mais, en misant sur un tourisme durable et respectueux, ce quartier atypique, longtemps jugé discret, a toutes les cartes en main pour demeurer à la fois un joyau méconnu et un laboratoire de coexistence entre habitants et visiteurs.
L’avenir de Jambes : un modèle pour les rives wallonnes
Au-delà de Namur, l’expérience de Jambes peut inspirer d’autres villes wallonnes riveraines de la Meuse, de la Sambre ou de l’Ourthe. Comment transformer les anciens friches portuaires et les berges en atouts économiques et culturels, tout en préservant l’âme des quartiers concernés ? Jambes montre qu’il est possible de renouer avec ses racines fluviales, d’investir dans des infrastructures piétonnes et de redonner vie à des traditions locales.
En fin de compte, le défi sera de maintenir l’authenticité tout en ouvrant la porte à une nouvelle forme de tourisme territorial. Si Jambes parvient à conjuguer fierté locale, accueil mesuré et créativité artisanale, il restera à jamais ce « plus beau village à côté de Namur » dont on ne se lasse pas de vanter la douce simplicité.


0 commentaires