Gembloux : un rond-point bloqué pendant 206 secondes en hommage aux 206 victimes de la route en Wallonie

par | 17 Nov 2025 | Faits divers namurois

206 secondes pour ne pas oublier les vies fauchées sur les routes wallonnes

Chaque seconde de ce blocage symbolique à Gembloux rappelle le visage d’une victime, parfois d’un enfant. Dimanche, une centaine de personnes se sont rassemblées pour marquer un temps de silence de 206 secondes, en hommage aux 206 personnes décédées sur les routes de Wallonie en 2024. Entre émotion et statistiques, cette commémoration interroge l’efficacité des actions citoyennes pour faire bouger les lignes de la sécurité routière.

Un hommage symbolique sur les lieux du drame

Concrètement, le rond-point des Trois Clés à Gembloux a été bloqué à la circulation pendant précisément 206 secondes. À l’issue d’un long silence, ponctué par le son d’une cloche actionnée par le père d’Olivier Moreau, les participants ont rendu hommage aux 206 victimes wallonnes de l’année écoulée. Le choix de cet emplacement n’était pas anodin : c’est là qu’Olivier, âgé de 13 ans, a perdu la vie il y a vingt ans, fauché par un automobiliste en état d’ivresse.

Organisée par Parents d’Enfants Victimes de la Route (PEVR) – SAVE, en partenariat avec la Ville de Gembloux, la police locale et fédérale, l’Agence wallonne pour la Sécurité routière et l’Institut Vias, cette action coïncidait avec la Journée internationale du souvenir des victimes des accidents de la route. Plus qu’une simple manifestation, cet événement s’inscrit dans une stratégie de justice mémorielle, visant à transformer la souffrance individuelle en levier de prévention collective.

La pression des chiffres : 206 vs 253 morts

À l’heure où la Wallonie déplore 206 décès routiers pour l’année 2024, la Flandre fait état de 253 victimes, fermant un carrefour à Gand pendant 253 secondes pour les commémorer. Cette disparité interrégionale interroge : derrière la statistique, se cachent des profils variés de victimes, des infrastructures hétérogènes et des politiques publiques différentes.

  • 206 morts en Wallonie (2024) : un chiffre stable mais jugé inacceptable par les associations.
  • 253 morts en Flandre (2024) : la région la plus peuplée, où la densité automobile est plus élevée.
  • Ghost shoes déposées à Bruxelles : des paires de chaussures blanches aux abords des lieux d’accidents mortels.

À l’échelle européenne, la Belgique se situe encore au-dessus de la moyenne, avec environ 8,8 tués routiers pour 100 000 habitants contre 5,1 dans les pays nordiques. Ces données soulignent l’urgence de renforcer les mesures de prévention, notamment autour de l’alcool au volant et des excès de vitesse.

Des initiatives complémentaires, mais une efficacité variable

Au-delà de la dimension commémorative, ces actions citoyennes cherchent à impacter les décisions politiques et les comportements individuels. Le format choisi – un blocage routier ponctuel – se heurte toutefois à plusieurs critiques :

  • Perturbation du trafic : certains automobilistes perçoivent l’action comme une contrainte à leur liberté de circuler.
  • Impact limité : un hommage de quelques minutes n’assure pas un changement durable des pratiques.
  • Dépendance médiatique : la portée de l’événement reste tributaire de la couverture presse et des réseaux sociaux.

Cependant, les organisateurs évoquent la portée didactique et humanisante de telles séquences. En transformant un lieu ordinaire en espace de recueillement, elles confrontent directement les usagers à la fragilité de la vie et aux conséquences tragiques de chaque imprudence.

Vers des politiques routières plus inclusives et durables ?

Pour que ces commémorations ne restent pas de simples rituels, plusieurs pistes sont évoquées :

  • Renforcement des contrôles : multiplier les opérations anti-alcool et radar aux abords des zones urbaines et des points noirs.
  • Aménagements routiers : passages piétons surélevés, rétrécissements de chaussée, îlots directionnels pour réduire la vitesse spontanée.
  • Éducation continue : formation des jeunes conducteurs et campagnes de sensibilisation dans les écoles et les entreprises.

En pratique, certaines communes wallonnes ont déjà commencé à revoir leurs plans de mobilité en s’appuyant sur les recommandations de l’Institut Vias et de l’Agence wallonne pour la Sécurité routière. Reste à savoir si ces initiatives locales s’articuleront dans une stratégie nationale cohérente, capable de faire passer l’émotion au changement effectif.

Perspectives et questions ouvertes

Si les blocages symboliques de Gembloux, de Gand et les « ghost shoes » bruxelloises forment un chœur d’alerte nationale, plusieurs questions demeurent :

  • Quelles suites politiques le gouvernement wallon donnera-t-il aux revendications de PEVR – SAVE ?
  • Comment mesurer l’impact réel de ces initiatives sur les comportements des conducteurs et des piétons ?
  • Les ressources budgétaires seront-elles suffisantes pour combiner infrastructures, contrôle et sensibilisation ?
  • La coopération interrégionale surmontera-t-elle les différences administratives pour réduire durablement la mortalité routière ?

À terme, la réussite de ces commémorations reposera sur leur capacité à catalyser des décisions concrètes, alliant la mémoire des victimes et l’engagement de tous pour une route plus sûre.

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