Que faire des cendres après une crémation ? Où les disperser : mer, jardin, forêt ?

par | 1 Nov 2025 | Faits divers namurois

En Belgique, la crémation concerne aujourd’hui plus de la moitié des décès : 52 % en Wallonie et à Bruxelles, et jusqu’à 80 % en Flandre. Un enjeu qui se pose alors est celui du devenir des cendres : les conserver, les disperser, et selon quelles modalités ? Parmi les options émergentes, la dispersion en forêt privée séduit de plus en plus, mais elle demeure encadrée par des règles strictes.

1. Conserver l’urne funéraire

Après incinération, la famille reçoit une urne contenant les cendres. Celle-ci peut :

  • être inhumée dans une concession terrestre (cavurne) ;
  • être placée dans un columbarium, c’est-à-dire une niche murale au cimetière ;
  • rester à domicile, sous réserve d’une demande écrite préalable à la commune.

Pour tout emplacement dans un cimetière, qu’il s’agisse d’un cavurne ou d’un columbarium, il faut demander et renouveler une concession communale, sous peine de voir le lieu réattribué. Depuis plusieurs années, la loi autorise aussi la création de bijoux commémoratifs renfermant une part des cendres (pendentifs, vinyles, etc.), une manière symbolique de garder un proche près du cœur.

2. Disperser les cendres

Choisir la dispersion revient à renoncer à un lieu de recueillement fixe, mais offre une plus grande liberté. Plusieurs formules existent :

  • Espaces du souvenir autour des crématoriums ou dans certains cimetières (pelouses, jardins de galets).
  • Mer du Nord : dispersion effectuée depuis un bateau à au moins 200 m des côtes, sous autorisation communale. L’urne, biodégradable, se dissout en mer, et le bateau marque l’hommage par un coup de sirène. À Ostende ou Zeebruges, quelques centaines d’immersions ont lieu chaque année (le chanteur Arno en a choisi cette option).
  • Nature privée : jardin, prairie, lac ou bois, avec l’accord écrit du propriétaire du terrain et, idéalement, la volonté du défunt. En revanche, toute dispersion en espace public ou en zone urbaine non dédiée est interdite.

3. La dispersion en forêt : un choix en plein essor

Face aux options classiques, la forêt privée suscite un intérêt grandissant : un lieu naturel, propice au recueillement, sans les contraintes d’un cimetière. Mais, pour être légale, elle doit se dérouler dans une propriété privée ou associative.

Exemple à Soleilmont (Fleurus, Hainaut)

  • Les Arbres du souvenir, fondés il y a dix ans par Alexia Willems, occupent 7 hectares de forêt achetés via une fondation.
  • Près de 450 dispersions y ont déjà eu lieu.
  • Trois formules sont proposées :
    • Dispersion attenant à un arbre familial réservé à une seule famille ;
    • Dépôt sous de beaux chênes centenaires, partagés entre dix familles ;
    • Dispersions collectives, soit en clairière, soit dans une vaste pelouse boisée.
  • Les tarifs vont de 85 à plus de 1 000 € selon l’option choisie.
  • Un espace cérémoniel, constitué de bancs et d’une table en plein air, permet aux familles de se réunir sans aménagement permanent.
  • Aucun objet artificiel n’est autorisé : seules une plaquette en bois fixée à l’arbre et des éléments naturels (branches, fleurs des bois, feuilles) sont admis.

4. Freins à la création de forêts cinéraires publiques

Plusieurs communes ont envisagé de créer des forêts cinéraires, mais se heurtent à des législations contradictoires :

  • Le décret funérailles impose un columbarium, alors que la réglementation forestière interdit toute construction en dur.
  • Les règles forestières proscrivent le creusement au pied des arbres, pourtant nécessaire pour enfouir les cendres.

Xavier Deflorenne, coordinateur du patrimoine funéraire wallon, confirme qu’un particulier peut plus facilement établir sa propre forêt cinéraire qu’une commune, bloquée par ces incohérences légales.

5. Deux exemples contrastés

  • Namur a renoncé à son projet de forêt cinéraire après deux ans de démarches infructueuses.
  • À Lasne (Brabant wallon), l’extension du cimetière d’Ohain inclut un hectare boisé acheté à un particulier. Après huit ans de négociations (gouverneur, Division Nature et Forêts, Région, intercommunale…), le site devrait ouvrir en 2026, avec un chemin PMR, une plateforme sur caillebotis pour accéder à quatre espaces dédiés (carrés de 2 m sur 2) où les fossoyeurs disperseront les cendres.

6. Vers une harmonisation législative ?

La bourgmestre de Lasne, Florence Rotthier, suggère au Parlement et au Gouvernement wallons de clarifier et d’aligner les réglementations. Beaucoup de communes souhaitent visiter l’extension d’Ohain pour s’en inspirer. De son côté, Xavier Deflorenne vient de proposer au ministre compétent un rapport sur la création de forêts cinéraires publiques : d’immenses zones de dispersion naturelles, sans concession ni propriété individuelle, permettant aux familles de disperser les cendres en respectant l’environnement.

7. Partenariat public-privé : un modèle inspirant

Aux Arbres du souvenir, la forêt appartient officiellement à la commune de Fleurus, tandis que la gestion quotidienne est assurée par dix bénévoles de la fondation. Ce modèle mixte facilite l’accueil des familles et le respect des démarches, sans surcharger le personnel communal.

En pratique, certains continuent de disperser des cendres en forêt communale ou en forêt de Soignes sans autorisation. La pratique est officiellement interdite, mais peu d’infractions sont relevées. Dès lors, la demande existe, le cadre est à inventer, et la pression monte pour que les lois évoluent afin d’accompagner ces pratiques funéraires plus personnalisées et respectueuses de la nature.

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